✒ L'avis 5★ de balabala : « Magique et palpitant. » sur Aila et la Magie des Fées

L'avis 5★ de balabala : « Magique et palpitant. »
tome 1 - Aila et la Magie des Fées

La saga d'Aila  fantasy


fantasy

Note : 4.6 / 5 avec 283  critiques

L'avis 5★ de balabala :

« Magique et palpitant. »

Et dire que ce n'est que le début de cette saga de fantasy. Grande découverte d'une nouvelle auteure. À lire de suite.
(Source : )

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Aila et la Magie des Fées
de

aux Éditions UPblisher
Paru le
Environ 480 pages
Prix : 5,99  en toujours disponible
  → ISBN : 978-2-7599-0048-0 en

 
et aussi :
✯ Éditeur : UPblisher
  → ISBN : 978-2-7599-0047-3 en

✯ Éditeur : UPblisher
  → ISBN : 978-2-7599-0051-0 pour

✯ Distributeur : Amazon
  → ISBN : 978-2-7599-0316-0 en pour ceux qui aiment (14,99  €)

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Extrait gratuit d'un des livres de la saga d'Aila offert par Catherine Boullery, auteure de fantasy (autres passages sur Amazon). Excellente lecture ;)

Le calme revenu après ces heures pleines de surprises, Kerryen, assis à son bureau, établissait le bilan de la journée sur le point de s’achever. Si celle-ci avait commencé à peu près comme d’habitude, elle avait doublement viré au désastre. Ses yeux se reportèrent encore une fois vers la missive qui relatait d’inquiétantes nouvelles à propos d’un combattant déterminé et implacable, l’empereur noir, descendant du nord en ligne directe. Celui-ci envahissait petit à petit tous les états sur son passage dans un insatiable élan qui l’emmenait toujours plus au sud. Si, agissant au coup par coup, il ne semblait pas obligatoirement pressé de s’emparer de toutes les terres, il poursuivait l’extension de son territoire comme sous l’emprise d’un irrépressible désir qui ne s’arrêterait pas là. Pour l’instant, il paraissait encore loin, mais le souverain pressentait le caractère illusoire et temporaire de cette tranquillité. Bientôt, il devrait prendre des mesures afin de protéger son royaume de ce conquérant de demain. Quelle autre voie se présentait à Kerryen que celle de créer des alliances avec ses pays limitrophes ? En réunissant, pour commencer, les forces des quatre contrées frontalières, l’empereur serait forcé de les contourner, parce que, quelle que fût la puissance de cet homme, elle ne suffirait pas pour les affronter tous ensemble. Cependant, cette éventualité ne le réjouissait guère, certains de ses voisins ne lui inspiraient aucune confiance. Il les imaginait sans mal se retourner contre lui à la moindre occasion, changer de bord au fil de leurs opportunités. Des partenaires susceptibles de le poignarder dans le dos ne possédaient rien de rassurant. Pourtant, poussé par la nécessité, il devrait se soumettre à cette première étape, car préserver le Guerek, sa cité d’Orkys et sa forteresse lui apparaissait indispensable. Qu’il détestait être roi ! Autant d’ailleurs qu’il méprisait la politique et tous ses ronds de jambe diplomatiques pour ménager chèvre et chou ; l’hypocrisie et le mensonge le révulsaient. Il ne supportait pas de devoir sourire à des fâcheux et de feindre une forme de cordialité qui ne rentrait déjà pas normalement dans les traits de son caractère, principalement envers ceux qui lui déplaisaient. Enfin, en y réfléchissant, qui recevait vraiment son agrément ? Alors que tout en lui se rebellait et lui criait qu’il n’était pas bâti pour régner, la vie ne lui en avait pas laissé le choix, à moins qu’incriminer le destin représentât de sa part une imposture pour se protéger de ses faiblesses, pour pouvoir regretter ses décisions sans se condamner, se pardonner de commettre tant d’erreurs et, au final, d’être un souverain à ce point quelconque. Évidemment, il aurait pu refuser de succéder à son père. Cependant, il ne s’était pas résigné à transmettre le trône du Guerek à un inconnu. Il avait observé tous les hommes autour de lui, du simple paysan aux garants des plateaux et, parmi eux, n’avait pas distingué l’ombre d’un monarque : trop gentils ou trop ambitieux, trop énergiques ou trop mous. Entre le « trop » et le « pas assez », comme aucun d’eux n’avait été jugé digne de remplacer Lothan, il avait endossé le rôle d’héritier pour lequel il avait été formé, sans la moindre envie. Et, pourtant, quand, le soir, il rencontrait son reflet dans un miroir, il se disait qu’il ne valait pas mieux que ceux qu’il avait écartés, et, finalement, pas moins non plus. Ni grand guerrier ni même un génial diplomate, il se révélait en fait un gestionnaire acceptable qui agissait avec rigueur et efficacité pour maintenir à flot le patrimoine de son maître en attendant son retour, rien qu’un modeste scribouillard sans envergure à la tête d’un pays aussi petit que lui, tout sauf l’authentique souverain, dont il possédait le titre sans la carrure. De plus, la nature l’avait doté d’un caractère emporté… Il sourit. Ce bouillonnement intérieur, au moins, ajoutait un peu de piment à son existence. Il ne se sentait vraiment vivant que lorsque la colère coulait dans ses veines, alimentait son esprit comme un flux d’énergie vitale qui le guidait comme s’il détenait toutes les vérités. Malheureusement, une fois apaisé, il se remettait à douter et, incapable de déterminer ses torts ou ses engagements sensés, ses convictions s’envolaient aussitôt…
Les yeux dans le vide, les idées de Kerryen erraient sans qu’il tentât de les retenir. Trop longtemps il avait feint d’ignorer ses hésitations ou ses interrogations et voici qu’elles lui revenaient en pleine face, avec une cruauté qui le blessait et l’amenait à craindre le pire. Son petit pays, trois cirques que cernaient de hautes barrières montagneuses, suscitait l’envie de trop nombreux monarques qui auraient aimé l’annexer en raison de cette maudite porte ! Alors que, jusqu’à présent, ce vestige encombrant se limitait à un simple titre honorifique, cette paroi aussi terne qu’affreuse, en plus d’être convoitée, lui compliquait la vie en lui vomissant un animal miteux, un être bien vivant, une femme de surplus. Ce fâcheux incident risquait de décupler l’intérêt de ceux qui considéraient cet épouvantable symbole jusque là comme un bel ornement dénué de toute fonction réelle. Le roi grimaça. Et encore, si le visiteur avait été une personne normale ! Même pas, il ressemblait plus, comme le disait poétiquement Inou, à un oiseau tombé du nid. Si Kerryen avait bien remarqué les blessures sur sa peau, il ne se sentait nullement attristé par son état, seulement éprouvé par tous les tracas que cette arrivée provoquait déjà. Nécessitait-il une folle de plus dans son entourage ? Bien sûr que non ! Il avait fort à faire entre Inou qu’il peinait à maîtriser et Adélie qu’une incontrôlable énergie animait à chaque instant. Complètement farfelue, cette dernière vivait en permanence dans des mondes imaginaires comme une enfant incapable de grandir. Cependant, quand elle s’absentait, sa fantaisie débordante et ses idées démentielles lui manquaient profondément, même s’il devrait, dès son retour, s’y prendre à plusieurs fois pour être écouté et obéi. Peut-être n’était-elle que sa demi-sœur, mais, avec sa tante, elle représentait son unique famille et le deuxième être le plus important de son existence par ordre de naissance. Après le décès de sa mère, Lothan, son père, était resté seul, impuissant à surmonter la douleur de cette perte. Rapidement, parce que la souffrance le minait, il avait commencé à fuir son chagrin dans l’alcool, lui qui n’avait jamais touché une bouteille auparavant. Soûl, il lui semblait trouver la vie plus belle et ses peines plus supportables. Si, pendant les premiers temps, il était parvenu à alterner les moments de sobriété et d’ivresse, son désespoir le rongeant davantage au fil des années, la consommation de son incontournable remède avait débuté de plus en plus tôt dans la journée. Puis, une nuit de totale griserie, hanté par son insoutenable solitude, il avait plongé dans le refuge de tendresse offert par sa servante attitrée, Chuntie, à peine moins âgée que lui. Fidèle et attentionnée depuis une douzaine d’années, celle-ci prenait soin de son souverain lors de chacune de ses beuveries, nettoyant les résultats de ses excès, calmant ses colères, l’apaisant jusqu’à ce qu’il s’endormît. Pourquoi, ce soir-là, Lothan l’avait-il désirée et pourquoi lui avait-elle cédé ? Ces questions n’obtinrent jamais de réponse, mais, à la stupeur de tous et d’elle en premier, elle était tombée enceinte, puis, contre toute attente, cette grossesse tardive s’était bien déroulée, nouant un lien imprévu entre elle et son père. Bien sûr, suivant les règles de son pays, le roi avait épousé son ancienne domestique et s’était acheté une conduite en renonçant définitivement à sa consommation trop souvent nocive pour lui et les siens. Pour la première fois de sa vie depuis la mort de la première femme, Lothan semblait avoir retrouvé tout à la fois un peu d’équilibre et de bonheur. Kerryen, à vingt et un ans, avait récupéré une petite sœur inattendue, aux joues toutes roses, sur laquelle il avait reporté tout l’amour qu’il ne pouvait offrir à sa propre descendance puisqu’il n’en avait pas. Malheureusement, sept ans après la naissance d’Adélie, une attaque avait laissé leur père terriblement diminué. Grâce aux soins quotidiens et attentifs de sa conjointe ainsi qu’à sa robustesse naturelle, il avait péniblement vivoté pendant presque deux ans avant de s’éteindre. Totalement inconsolable, la veuve avait passé ses jours à errer en larmes dans les couloirs du bâtiment principal au point que Kerryen, cédant à une mesure drastique, lui avait fait aménager une jolie demeure avec quelques domestiques à l’extérieur de la ville pour l’envoyer s’y reposer. Au début, Chuntie avait mal toléré sa mise à l’écart de la forteresse, puis Inou lui ayant mieux expliqué les raisons de cette décision que son neveu, elle avait finalement accepté son sort, puis apprécié son existence redevenue paisible loin de ses souvenirs douloureux. De plus, la proximité du château permettait à sa fille chérie de partager sa vie entre les deux lieux.

À présent, installé devant la cheminée dans laquelle quelques bûches achevaient de se consumer, Kerryen se frottait lentement le menton. Comme la porte des temps, sa sœur, presque dix-neuf ans, convoitée par des nobles ambitieux du Guerek ou des royaumes voisins, avait reçu moult gages d’attention contre lesquels il l’avait mise en garde. Jusqu’à présent, elle réservait aux garçons une indifférence sincère, ignorant leurs déclarations pleines d’ardeur et leurs regards enflammés, simulacres de leur hypocrite attirance pour elle. Cependant, si aucun d’entre eux n’était parvenu à réveiller le cœur d’Adélie, le jour viendrait où elle finirait par mûrir et envisagerait d’un œil différent la présence de ces prétendants. Kerryen espérait simplement qu’elle choisirait un homme bon qui la rendrait heureuse et non un de ces fielleux et avides coqs de basse-cour… Trop d’entre eux, au joli minois, possédaient de quoi séduire une jeune fille innocente et rien ne lui apparaîtrait pire que de la voir céder à leurs avances plus intéressées par le pouvoir que par elle. Leurs griffes rayaient les parquets de chêne dans l’intimité, une union avec sa sœur suffirait à les placer au second rang dans l’accession au trône du Guerek et il représenterait le dernier obstacle entre eux et le titre escompté. Kerryen se doutait que, dès cet instant, son existence ne tiendrait plus qu’à un fil ; tant de moyens permettaient de se débarrasser d’un gêneur sans être inquiété. Si seulement il avait été un meilleur souverain… Un bruit de porte lui fit tourner la tête. Comme à son habitude, Inou entra sans frapper et se dirigea d’un pas rapide vers le fauteuil près du sien, s’y laissant choir sans plus de cérémonie. Elle paraissait fatiguée, mais satisfaite.
— Hélà, Kerryen.
— Hélà, Inou. Quelles nouvelles m’apportes-tu du petit monde de notre château ? demanda-t-il d’une voix ironique.
Inou lui jeta un regard en biais et, après une légère hésitation, se lança :
— D’abord que tu n’es pas un aussi mauvais roi que tu veux bien le croire.
Kerryen serra les dents. C’était reparti pour la leçon du jour ! Il avait passé l’âge des remontrances et, si elle n’avait pas été Inou, il l’aurait aussitôt remise à sa place. Il réprima le mécontentement qui montait en lui et répliqua vertement :
— Ce n’était pas l’objet de ma question.
— Peut-être… Mais c’était celui de ma réponse ! Cesse de te dévaloriser tout le temps. Cette attitude négative ne sert personne et même pas toi. Tu ne demeureras probablement pas dans l’histoire du Guerek comme le plus grand de ses monarques, mais tu auras accompli un travail juste et honnête pour le bien des tiens. Rien que pour ce motif, tu es et resteras respecté…
Silencieux, il serra les dents. D’ailleurs qu’aurait-il pu lui rétorquer ? Elle le surprenait toujours par sa façon de deviner ses pensées, même s’il n’aimait pas imaginer qu’elle pût décrypter à ce point aisément des sentiments encore plus intimes… Légèrement énervé, il l’observa avec attention, puis se radoucit aussitôt. Il n’avait jamais compris la raison profonde qui avait poussé cette femme, intelligente et de commerce agréable, s’il exceptait son fichu caractère envers lui, à tout abandonner pour l’élever, sans même sembler en éprouver le moindre regret. Malgré son âge, une quinzaine d’années de plus que lui, un visage à peine ridé par le temps lui donnait un air serein et bienveillant tout en lui conservant une jeunesse apparente. Ses yeux, d’un bleu plus clair que ceux de sa défunte sœur, se logeaient sous deux sourcils parfaitement tracés, eux aussi parsemés de fils blancs. Avait-elle toujours possédé cette allure-là ou avait-il oublié à quoi ressemblait la fille de vingt ans ? Il essaya de se la rappeler, mais les souvenirs de son arrivée restaient flous dans la mémoire de l’enfant de sept ans de cette époque, bien trop absorbé par la douleur d’avoir perdu sa mère. Comme l’unique point tangible de son existence qui venait de basculer, il s’était agrippé à elle pour ne pas être emporté par les chagrins qui se succédaient : la disparition d’Ashabet, le déclin progressif de Lothan…. Encore aujourd’hui, quoi qu’il advînt, elle lui donnait l’impression d’être immuable, le pilier le plus solide de sa vie, celui auquel il se raccrochait pour ne pas être détruit par ses responsabilités de monarque quand celles-ci le dépassaient. Comment pouvait-il lui reprocher de lire si clairement en lui, alors qu’il avait tant partagé avec elle, que, adolescent, il s’était toujours livré en profondeur même si, à présent adulte, il tentait vainement d’inverser la tendance, de moins la solliciter avec le souhait presque irréaliste de devenir un roi à part entière ? Cependant, parallèlement, il continuait d’avoir besoin d’elle. Il se confrontait à un souci, elle lui proposait une idée, celle qui résolvait tout. Si lui seul n’aurait pas osé l’utiliser, exprimée par Inou, cette dernière apparaissait comme l’imparable solution logique… Pouvait-il contourner le fait que, malgré son désir irrépressible de tout savoir sur tout et en particulier sur lui, elle restait aussi sa meilleure alliée, presque providentielle, avec son irremplaçable sens commun ? Une nouvelle fois, il prit le temps de l’observer, tandis que les yeux d’Inou fixaient les flammes. Il se demanda si elle se doutait qu’il l’examinait avec autant d’attention et d’amour. Dans sa robe de tous les jours, elle lissait d’un geste presque mécanique le tissu pour en effacer tous les plis. Il aurait pu lui offrir des tenues tellement plus élégantes en raison de l’importance de son rôle dans le château, mais elle refusait toujours, excepté quand, son vêtement devenant trop élimé, elle acceptait de s’en acheter un neuf, identique à celui auquel elle renonçait, simple et uni.
— Alors, comment comptes-tu agir ?
La voix d’Inou lui parvint lointaine et irréelle ; un moment se révéla nécessaire à Kerryen pour comprendre qu’elle s’adressait lui et pour repasser dans sa tête les mots qu’elle avait prononcés.
— À quel sujet ?
— Pour la porte, en tout premier.
— Dorénavant, pour éviter toute intrusion du côté de la forteresse, la sécurité de la salle sera renforcée par trois larges madriers supplémentaires barrant l’unique vantail. Quatre hommes en arme pour la surveiller de l’intérieur et donner l’alerte et cinq dehors pour défendre l’accès. Dernier problème à résoudre, inventer un nouveau titre honorifique pour ce pauvre Yogir, à présent dépossédé du sien… Le maintenir gardien de cette porte après les événements de la journée amènerait son cœur fragile à lâcher. Il lui faut un environnement calme.
Kerryen ne partagea pas avec elle le système qu’il avait imaginé pour pouvoir observer la pièce sous tous ses angles sans y entrer. En associant judicieusement plusieurs miroirs et une longue-vue un peu spéciale montée sur pivot et orientable grâce à une manivelle, il deviendrait possible de distinguer tous les recoins du lieu, une fois le bahut enlevé, de l’extérieur. Le croquis rapide qu’il avait esquissé se trouvait, à l’instant même, dans sa poche et, un léger sourire de satisfaction aux lèvres, sa main glissa sur le renflement qu’il y provoquait. Voilà quelle aurait dû être sa destinée : étudier les sciences et construire ce qui n’existait pas encore. Inventer ! Par malchance, il était devenu roi et son laboratoire enrichi depuis son enfance ne recevait plus que la visite des araignées. Le seul plaisir qu’il avait conservé restait, juste avant de s’endormir, d’élaborer l’agencement de mécanismes innovants et d’outils inédits. Qu’il aurait aimé sa vie s’il avait pu la consacrer à la créativité ! Son regard croisa celui d’Inou, dont il se douta qu’elle avait suivi le cheminement de ses pensées et il la remercia intérieurement d’avoir évité de le pimenter de ses réflexions personnelles. Elle reprit la parole :
— Et pour notre ennemi nordique ?
— Mes informateurs seront revenus dans deux mois au plus tard et je disposerai de nouvelles précises sur l’avancée de cet empereur. Si la gravité de la situation est avérée, il sera toujours temps de rencontrer ceux qui gouvernent les pays voisins du Guerek.
— Je ne crois pas qu’attendre des certitudes pour démarrer une analyse détaillée et envisager une défense collective soit raisonnable…
— Je ne peux pas arriver avec des rumeurs, peut-être sans fondement !
— Sauf qu’elles me paraissent plus que des histoires pour se faire peur. Même si les faits se révélaient moins sérieux que prévu, examiner avec eux les différentes possibilités d’attaque et établir des stratégies pour chacune représenteraient un préalable indispensable au cas où…
Le roi plissa ses yeux, évaluant la proposition de sa tante. Comme souvent, elle avait vu juste. Dès maintenant, il devait entreprendre cette planification tout de suite, car patienter trois ou quatre mois de plus pourrait être fatal au Guerek. Pourtant, ce temps de réflexion supplémentaire lui semblait nécessaire pour mieux cerner ses amis et ses ennemis. Si Inou lisait si bien en lui, il n’avait pas le talent de déchiffrer les intentions secrètes des inconnus. Il songeait qu’untel serait probablement un traître à sa cause ou un allié, mais il ne possédait jamais de certitudes et ses doutes empoisonnaient en permanence ses modestes tactiques. Quelles mauvaises décisions allait-il encore prendre dans la précipitation ou, plus grave, par ignorance ?
— Je te l’accorde, Inou. Je vais réunir nos plus proches voisins rapidement. Autre chose ?
— Allora ?
Kerryen blêmit. Aussitôt, il se leva et commença à arpenter la pièce au pas de charge, visiblement énervé.
— Je croyais avoir été assez clair à ce sujet. Je ne me remarierai pas ! Ni avec Allora de Srill ni avec quiconque. J’ai déjà goûté à l’indicible bonheur de la vie de couple, cette expérience m’a suffi pour toute une existence !
— Tu dois donner un héritier au Guerek, insista Inou.
— Adélie s’en chargera ! Attirante et enjouée, elle trouvera bien un homme qui lui fera plein d’enfants, dont le successeur au trône que tu souhaites tant.
Sur le visage d’Inou apparut un cillement fugitif qui déplut à Kerryen. Cependant, submergé par d’autres soucis, il n’approfondit pas la question. Sa tante reprit :
— Je pense que, pour l’instant, le sujet ne l’intéresse pas du tout. Elle reste vraiment très… jeune dans sa tête.
« Carrément immature » songea-t-il, conservant son commentaire pour lui. Pourtant, une conclusion s’imposa, alors qu’il aurait voulu s’en dispenser. Peut-être vaudrait-il mieux pour Adélie qu’il se remariât. Ainsi, il éviterait à sa sœur de devoir se retrouver dans une situation délicate comme la sienne, celle d’accepter une union en croyant le satisfaire, mais sans l’avoir désirée, et qui déboucherait sur une monumentale erreur. Dix ans environ après la mort d’Ashabet, son père, dans un de ses moments de lucidité, avait décidé qu’il était temps pour son héritier de convoler en justes noces. Si Kerryen avait toujours été persuadé que l’idée lui avait été soufflée, il n’était jamais parvenu à savoir par qui. Lothan lui avait présenté l’affaire avec conviction, lui expliquant que la femme qu’il avait préférée, particulièrement charmante, intéressante et un peu plus âgée que son fils, constituerait un superbe parti. Il lui avait rappelé à quel point sa mère et lui s’étaient follement aimés, alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés avant leur mariage. Influencé par l’enthousiasme de Lothan, Kerryen avait fini par accepter cette proposition, malgré la réticence clairement affichée d’Inou qui le considérait, à dix-sept ans, bien trop jeune pour épouser quiconque. En dépit de ses efforts pour effacer jusqu’à son image, le roi se souvenait parfaitement de cet instant où Guisaine était apparue dans sa vie pour la première fois. Vêtue d’une robe bleue qui illuminait ses prunelles myosotis, elle s’était dirigée vers lui de sa démarche gracieuse, quelques boucles blondes flottant sur ses épaules au gré d’une brise légère. Son regard radieux plongeant dans le sien, elle lui avait souri et, aussitôt, le souffle suspendu, il avait sombré corps et âme, littéralement envoûté. À l’époque, totalement naïf, il ignorait tout de la perversité féminine autant que des choses de l’amour. Pourtant, il n’avait pas douté une seconde de la force des sentiments qu’elle lui avait inspirés, son cœur inexpérimenté s’affolant au moindre frôlement de leurs yeux ou de leurs mains. Avec une redoutable efficacité, son père avait fait procéder à leur union, ravi de la bonne fortune de son garçon. Avec le recul, Kerryen se rendait compte de son propre aveuglement. Ensorcelé par la grâce naturelle de sa future épouse, il avait sciemment négligé nombre de petits détails qui auraient dû l’alerter pendant les quelques jours précédant la célébration, mais, tout à ses émois juvéniles, il s’était uniquement réjoui de cette vie qui, pour une fois, s’était occupée de son bonheur après tant d’heures délicates. Hélas, sa félicité s’était révélée de très courte durée, puisqu’elle s’était achevée exactement le lendemain de leur mariage…
Le soir de la cérémonie, dans leur chambre nuptiale, Guisaine s’était avancée vers lui, auréolée par les lueurs chaudes du soleil couchant et à peine dissimulée par le voile presque transparent de sa tenue, livrant au regard du prince tous les secrets de son excitante anatomie, la rondeur de ses seins fermes, la courbe de sa chute de reins qu’effleurait sa longue chevelure dénouée, le creux sombre entre ses cuisses. Elle, si femme et si sûre d’elle, et lui, toujours adolescent, gauche et si incertain. Alors que leurs corps se frôlaient, il avait dégluti avant de succomber au contact de ses lèvres comme de ses mains expertes qui attisaient chaque parcelle de sa peau, réveillant une envie physique impérieuse et inédite. Frissonnant de désir comme de peur, il avait découvert que, derrière l’émotion d’une rencontre, pouvait se cacher une passion ardente et sincère que chacun de ses gestes, au début maladroits, avait peu à peu reflétée avec plus d’assurance, tandis que se libérait irrémédiablement l’amour qu’il éprouvait pour elle. De ce moment ineffable, il se souvenait encore de chaque détail même s’il y songeait rarement et sans regret, de leurs baisers langoureux, de leurs caresses brûlantes, des coups de reins jouissifs qui avaient définitivement uni leurs corps dans l’exploration d’un plaisir qui lui était jusqu’alors inconnu. Au cœur de la nuit, profondément épanoui et plus heureux que jamais, il avait glissé dans un sommeil empli de rêves merveilleux et de promesses éternelles. Au petit matin, alors que son envie d’elle renaissait, Guisaine l’avait éconduit aussitôt, prétextant la fatigue trop importante de la veille. Pourtant, à peine une heure plus tard, la voix de son épouse prenait possession des lieux et résonnait dans tout le château, ordonnant, exigeant et bousculant tout dans son sillage. Quand le soir venu les avait de nouveau réunis dans la chambre nuptiale, sensuelle et suggestive, sa femme avait ressorti le grand jeu, et, en une fraction de seconde, Kerryen avait tout effacé de la seconde facette de celle-ci, nettement moins attractive que la première. Tandis qu’entre deux baisers passionnés, elle lui avait soufflé son besoin de renouveler totalement sa garde-robe, il l’avait peu écoutée, submergé par son désir. Cependant, lorsqu’elle avait réitéré sa requête avec insistance, cette dernière s’était enfin frayé un chemin dans son cerveau embrumé par l’amour. Refusant encore d’accepter la signification de ses paroles, il s’était figé, puis écarté de Guisaine légèrement afin de pouvoir observer ses yeux.
— Que veux-tu dire exactement ? avait-il demandé, les sourcils froncés.
Sûre d’elle et de son pouvoir sur lui, elle avait redressé son magnifique buste et l’avait fixé avec étonnement, s’interrogeant manifestement sur la façon de lui répondre. Dans une première approche fondée uniquement sur la séduction, elle avait dévoilé en quelques gestes très étudiés les plus beaux de ses attraits, puis, langoureuse, s’était frottée délicatement contre lui, enflammant complètement le corps comme l’esprit de Kerryen une nouvelle fois. Pourtant, un instant plus tard, sur le point de s’abandonner physiquement, il était parvenu à s’éloigner d’elle. Où avait-il été cherché sa volonté de lui résister ? Dans l’amour de son pays ou son sens du devoir ? Quelle qu’en fût la raison exacte, ses sentiments s’étaient éteints en une fraction de seconde et, dès cet instant, il avait décidé de ne plus jamais lui céder. Sous la surprise, les traits de Guisaine s’étaient violemment crispés ; visiblement, la jeune femme n’avait pas l’habitude de voir ses exigences contrariées. Le cœur contracté de souffrance, ce constat troubla Kerryen un peu plus, décuplant ses doutes sur la nature réelle de son épouse. Repoussant ses longues mèches blondes dans son dos, sa tête rejetée en arrière, totalement impudique, Guisaine avait parcouru sa peau à demi dénudée de ses mains, provocante, puis elle l’avait fixé.
— Admire-moi. N’oublie jamais à quel point je suis désirable et tellement unique… En une nuit, je t’ai offert plus de plaisir que tu n’en as jamais connu de toute ton existence. Crois-tu vraiment que j’aurais pu me lier à l’héritier d’un minuscule royaume sans en espérer d’autres avantages ? Regarde-toi, hier soir, puceau et, aujourd’hui, déniaisé. Grâce à moi, tu apprécies à présent le goût particulier du sexe et de la jouissance. Personne ne pourra te l’enseigner mieux que moi…
Tout en l’écoutant, aussi mal à l’aise que malheureux, Kerryen avait rougi jusqu’à la racine de ses cheveux, désespéré de voir le plus merveilleux de ses rêves irrémédiablement brisé. Elle avait planté ses yeux dans ceux du jeune homme.
— Je veux cette garde-robe tout de suite, sinon…
— Sinon quoi ?
Elle l’avait observé une nouvelle fois, étonnée de la maîtrise dont il faisait preuve et dont elle le pensait incapable. Estimant ses propos suffisamment explicites, elle avait cependant ajouté :
— Sinon tu ne me toucheras plus jamais…
— Si je résume, je dois te payer pour que tu sois ma femme et, accessoirement, dilapider le trésor du Guerek à cet effet.
— Parfaitement, et j’en vaux la peine… Songe aux multiples délices que je t’amènerai à découvrir encore, à toutes ces nuits où tu compteras une par une toutes les facettes du plaisir…
— Non, avait-il déclaré, je ne t’achèterai pas. Tu n’obtiendras rien de moi, jamais.
Alors qu’il s’éloignait du lit, totalement effondré, Kerryen n’avait plus discerné le plus douloureux pour lui, de comprendre qu’elle l’avait épousé uniquement pour son rang et ses richesses, d’éprouver l’insupportable impression qu’il ne pouvait être aimé pour lui-même ou que sa première et ardente passion avait ressemblé à une illusion qu’avaient généré sa trop grande candeur, son épouvantable bêtise et l’incontrôlable appétit de ses sens. Il ne seyait pas à un roi de se comporter avec autant de faiblesse. À cet instant précis, il avait renoncé aux sentiments, aux femmes en général et à la sienne en particulier.
Dès cet instant, pour y dormir, il avait rejoint la petite pièce contiguë à leur chambre, normalement réservée à un éventuel valet, qu’il n’avait plus quittée pendant toute la durée de leur union, c’est-à-dire presque quinze longues et terribles années. Étonnamment, rien de leur mésentente n’avait jamais transparu à l’extérieur. En effet, au cours des événements qui les réunissaient en public, le paraître reprenait le dessus, et Guisaine et lui formaient le couple parfait. De son côté, elle savait se montrer adorable, déployant tous ses charmes pour attiser l’intérêt en général et, pourquoi pas celui d’un autre homme dans sa vie pour remplacer le sien. Ainsi, Kerryen avait mûri très vite, comprenant les besoins de sa reine mieux qu’elle-même. Si elle n’avait pas voulu de lui dans son lit, personne n’irait la satisfaire ; il y veillerait personnellement. La guerre entre eux avait ressemblé à une tragédie sous le sceau de la haine et du silence, tandis que Kerryen maudissait son père de les avoir unis.


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