✒ L'avis 4★ de Claire54 : « sur Blablalivre.fr » sur Aila et la Magie des Fées

L'avis 4★ de Claire54 : « sur Blablalivre.fr »
tome 1 - Aila et la Magie des Fées

La saga d'Aila  fantasy


fantasy

Note : 4.6 / 5 avec 283  critiques

L'avis 4★ de Claire54 :

« sur Blablalivre.fr »

Quelle imagination ! J'ai adoré, je n'ai pas pu quitter ce roman avant la fin et me suis précipitée sur les suivants. À lire
(Source : )

Retour aux avis des lecteurs

Aila et la Magie des Fées
de

aux Éditions UPblisher
Paru le
Environ 480 pages
Prix : 5,99  en toujours disponible
  → ISBN : 978-2-7599-0048-0 en

 
et aussi :
✯ Éditeur : UPblisher
  → ISBN : 978-2-7599-0047-3 en

✯ Éditeur : UPblisher
  → ISBN : 978-2-7599-0051-0 pour

✯ Distributeur : Amazon
  → ISBN : 978-2-7599-0316-0 en pour ceux qui aiment (14,99  €)

✯ Diffuseur : Amazon
  → ASIN : B01GERN0TU pour

✯ Diffuseur : Bookeen
  → pour

✯ Diffuseur : Kobo
  → pour

✯ Diffuseur : Fnac
  → pour

✯ Diffuseur : Apple
  → pour

✯ Diffuseur : Google Play
  → pour

✯ Diffuseur : Decitre
  → pour

✯ Streameur : Youboox
  → pour

Achetez de préférence sur Amazon pour ensuite déposer votre avis vérifié !



Extrait gratuit d'un des livres de la saga d'Aila offert par Catherine Boullery, auteure de fantasy (autres passages sur Amazon). Excellente lecture ;)

Au grand dam d’Airin, habitué à engloutir de quoi le faire tenir jusqu’au repas de midi, il n’y eut pas de petit déjeuner. Le groupe décida de ne pas traîner ici au cas où l’un des mercenaires leur aurait échappé et serait parti chercher du renfort. Cela semblait fort improbable, mais mieux valait ne pas prendre de risques.
— Alors, Hubert, comment vois-tu la suite de notre escapade ? demanda Avelin.
— Nous allons reformer les paires initiales, Aila avec toi et Aubin avec moi.
Aila ressentit un pincement au cœur. Tout en sachant qu’Hubert ne faisait que remettre en place ce qui existait au préalable, elle se sentit évincée par le prince. Était-il toujours fâché par leur discussion du soir précédent ?
— J’ai hésité pour choisir qui de nous deux raccompagnerait les sires Airin et Barnais à Antan. Finalement, il m’a semblé plus logique que tu commences à préparer ta prochaine mission avec ta partenaire en retournant à Avotour.
Aubin repassait encore par Antan… Aila se sentit désespérée. Elle désirait terriblement revoir Bonneau, dame Mélinda et Hamelin. Peut-être, après tout, Hubert avait-il raison ? C’était trop tôt pour y revenir. Que pourrait-elle raconter, sinon qu’elle avait vécu trop de situations qu’elle ne savait expliquer ? Et puis comment pourrait-elle justifier auprès d’Hamelin qu’elle n’avait toujours pas respecté son engagement envers lui… ? Non, le prince avait pris une sage décision, même si cela la touchait plus qu’elle l’aurait cru.
— Aila, as-tu des messages que tu voudrais transmettre en Antan ? proposa Aubin.
— Dis-leur juste que je vais bien et que je pense à eux.
Aubin hocha la tête. Elle lut l’inquiétude dans l’expression du visage de son frère, il se tracassait pour elle. Elle chercha à le rassurer d’un sourire.

La route la plus courte menant à Avotour passait à proximité d’Antan. Alors qu’ils auraient pu voyager ensemble encore quelque temps, Hubert suggéra un léger détour par une voie située plus au nord pour rejoindre le château d’Elieu et de Mélinda et les groupes se séparèrent.
Chevaucher avec Avelin changea les idées d’Aila. Il avait laissé de côté son attitude provocatrice pour ne lui offrir que le meilleur de lui-même avec une simplicité qui la déconcerta. Il lui demanda rapidement de l’appeler par son prénom, lui donna une partie de sa bourse pour qu’elle s’occupât de l’intendance de leur voyage. Elle put donc choisir ce qu’ils mangeaient et où ils dormaient ! Elle connaissait bien la région et s’amusa à tenir le rôle de la gentille organisatrice des journées du jeune prince, c’était tellement léger et revigorant après tout ce qu’elle avait vécu. Quand ils passèrent à quelques lieux d’Antan, elle évita d’y penser et questionna Avelin à propos d’Avotour :
— Vous voulez que je vous parle d’Avotour, s’étonna-t-il. Eh bien ! vous mettez un château un peu plus grand au milieu d’une bourgade un peu plus importante et voilà, le tour est joué : vous obtenez Avotour !
— Avelin, vous n’allez quand même pas réduire la ville de notre roi à si peu de choses ! Elle possède sûrement une particularité !
— À part sa taille et sa misère ? Non, sincèrement, rien. Vous le constaterez vous-même bientôt. Peut-être quelques serviteurs en plus, mais, de fait, je n’en trouve jamais un quand j’en ai besoin ! conclut-il, en éclatant de rire.
Malgré ses efforts, les idées d’Aila dérivèrent vers Antan, tandis que l’image de Bonneau s’imposait dans son esprit. Par les fées, il lui manquait affreusement… Il avait été son repère depuis sa plus tendre enfance et, là, elle avait vécu seule une première amourette qui lui avait tourné la tête, la forçant à choisir entre poursuivre sa vie de combattante et se transformer en bonne petite épouse fidèle de l’héritier du plus gros comté d’Avotour. Une nouvelle fois, elle avait frôlé la mort, elle frissonna à ce souvenir, et elle était devenue à moitié folle ! La routine, quoi… Elle revit sa main et les flèches qui la quittaient pour aller se planter dans le cœur des cinq mercenaires. Elle repensa également au livre de la magie des fées qui vagabondait dans sa chambre et à cette espèce de vision double qui, de temps en temps, s’emparait de son esprit, lui procurant l’impression de s’échapper de son corps pour survoler l’espace qui l’entourait, percevant même les pensées des hommes… Elle s’était trompée, elle aurait dû insister pour aller revoir Hamelin, qui lui aurait certainement expliqué tout ce qui lui arrivait. Antan n’était pas si loin ; cela mériterait bien un petit détour qu’Avelin accepterait avec gentillesse. Elle ressentait un tel besoin d’être rassurée qu’elle aurait donné n’importe quoi pour vivre à nouveau avec ceux qu’elle aimait… Elle subissait avec douleur cette sensation de s’échapper à elle-même, de ne plus savoir qui elle était, comme si une zone de brouillard lui interdisait de voir en elle et de se retrouver. Perdue, elle s’arrêta, hésitant sur la meilleure décision à prendre : rendre visite à Hamelin ou continuer.
La voix d’Avelin résonna à ses oreilles :
— Un souci, Aila ? dit-il, en stoppant lui aussi son cheval.
— Non, tout va bien, j’arrive. J’avais cru apercevoir quelque chose, mais je me suis trompée. Poursuivons notre route.
Elle venait de choisir, elle devait s’en sortir seule. C’était pour cette raison qu’elle avait quitté Antan, pour ne plus dépendre de personne. Alors, ce n’était pas après un mois passé loin de chez elle qu’elle allait renoncer ! Même si, en cette brève période, elle avait vécu tant de moments si intenses et si éprouvants qu’elle ressentait l’impression d’avoir abandonné son domicile depuis bien plus longtemps… Aila se morigéna : « Allez, il n’est plus question que je m’apitoie sur moi-même ! Maintenant, je redeviens Aila, la combattante, et j’oublie toutes ces bizarreries ! » Elle se tourna vers le prince :
— Et le roi, à quoi ressemble-t-il ?
— Euh, à mon père…
En plus, il se fichait d’elle.
— Mais encore ? insista-t-elle.
— Disons qu’il est de taille moyenne, correctement musclé, mais très intelligent et d’une justesse incroyable.
Dans les yeux d’Avelin, elle vit briller une lueur de fierté, tandis qu’il parlait.
— C’est un très bon roi, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle doucement.
— Oui, le meilleur ! Malheureusement, en ce moment, sa position est difficile ; il doit faire face à la misère grandissante de notre royaume et entend la révolte gronder parmi son peuple. Notre pays est devenu un objet de convoitise de la part de souverains voisins en mal de conquête et doit naviguer entre menaces et complots permanents. Nous n’aurons peut-être pas cette fois-ci un autre Barou pour nous sauver la mise…
Une pensée incongrue traversa l’esprit d’Aila : « Mais vous m’aurez moi ! » Elle eut le réflexe de la retenir et en soupira de soulagement. Le regard surpris d’Avelin la fit revenir sur terre et elle prit la parole :
— Je ne veux pas me montrer pessimiste. Quand on ne croit plus qu’on peut gagner, on peut continuer à se battre, mais sans la moindre chance de vaincre. Alors moi, je crois fermement que nous pouvons, en nous y mettant tous, inverser cette dégradation, protéger notre pays et en sortir plus fort. Vous avez commencé à disposer les pièces d’une ère nouvelle qui, progressivement, s’organiseront pour changer notre vie. Regardez ! Cela a déjà débuté ! Sire Barnais s’est assagi et va devenir un allié fiable, alors que tout le monde le considérait comme un être aussi futile qu’inutile. La mort de Bascetti nous offre un semblant de répit avant que Faraday récidive avec ses complots par ici. De plus, je suis sûre que notre mage royal, Pardon et Adam sont en train d’abattre un boulot incroyable. Ils reviendront d’ici deux mois avec de précieuses informations qui nous aideront à mieux connaître nos ennemis et nous saurons mieux nous défendre.
— Ce que vous dites est juste, mais… notre peuple. Que pouvons-nous faire pour lui ? Nous n’avons jamais subi autant de catastrophes naturelles : les invasions d’insectes qui détruisent les récoltes, les animaux, porcs, vaches, moutons ou poulets, atteints par des épidémies fulgurantes qui déciment des troupeaux entiers en quelques jours, des villages dont la population tombe malade… Heureusement, jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de morts à déplorer. Comme le dit Orian, ces dysfonctionnements sont dus à la magie des fées qui disparaît…
Ah ! non ! pas elles encore ! Alors qu’elle essayait de tourner la page, Avelin lui en resservait une couche ! Elle décida de rester lucide, coûte que coûte, et rétorqua :
— Si elles ont déserté les lieux et n’effectuent plus leur part de travail, nous trouverons bien le moyen de le faire à leur place ! Nous trouverons aussi des solutions pour empêcher ces insectes de nuire ! Nous trouverons de nouveaux remèdes pour soigner les animaux ! Nous trouverons pourquoi les hommes tombent malades et comment nous pouvons les protéger ! Si les fées nous ont abandonnés, nous les remplacerons, un point c’est tout !
Il resta bouche bée. Les sourcils froncés, il bascula doucement la tête de droite à gauche comme pour faire rentrer toutes les idées qu’elle venait de lui jeter :
— C’est une façon de voir que je n’avais jamais envisagée… Vous suggérez que nous pourrions remplacer les fées et ainsi apprendre à vivre sans leur protection. Cela doit être possible, puisque nous partageons de moins en moins avec elle… À moins que leur légende dise vrai. Peut-être, parmi nous, existe-t-il déjà un être qui recevra cette magie pour qu’elle survive… Et puis, si jamais leur disparition est irrémédiable et qu’elles s’en doutent, elles pourront toujours nous céder ce qu’elles refusent de voir disparaître : leur magie. Honnêtement, je ne sais plus trop quoi penser… En tout cas, votre vision de notre avenir offre des perspectives très intéressantes, si différentes de toutes celles que j’ai pu entendre…
L’image du livre des fées traversa l’esprit d’Aila. Elle tendit une de ses mains vers l’arrière pour toucher sa besace à dos, puis, rassurée par la présence de l’ouvrage, elle reprit ses rênes, tout en songeant au petit être doré de ses rêves. Elle avait déjà parcouru un bout de chemin dans sa tête et admit leur existence, mais de là à croire que tout provenait de leur magie, il ne fallait pas pousser ! La zone de brouillard resurgit dans son esprit. Elle en était certaine, il subsistait des souvenirs auxquels elle ne pouvait pas accéder au-delà de cette opacité. Si seulement cette dernière voulait bien se dissiper… Elle chercha de toutes ses forces à la percer, mais elle n’y parvint pas. Ennuyée, elle repoussa au fond de sa conscience cet espace d’elle-même qui lui échappait. Son sentiment d’impuissance se mua en colère froide et elle respira un grand coup pour se calmer, poursuivant la route aux côtés d’Avelin.

Le prince et sa partenaire s’arrêtèrent à la première auberge venue pour y passer la nuit. Une fois le repas, délicieux du reste, vite consommé, ils regagnèrent rapidement leur chambre pour y dormir. Malheureusement pour eux, ce fut l’établissement que choisirent également une bande de joyeux fêtards pour chanter ou plutôt brailler à tue-tête dans la salle commune. Même à l’autre bout de la bâtisse, pas bien grande, il était vrai, les bruits à peine assourdis de la fête se prolongèrent jusqu’à ce que l’aubergiste, excédé, décidât de le fermer et d’expulser ceux qui ne résidaient pas à l’étage. Le résultat empira la situation. Évacué à l’extérieur, le groupe s’installa sous une fenêtre et se mit à coasser des chansons paillardes à pleins poumons. Bien mal leur en prit, car la réaction d’Aila ne se fit pas attendre. Elle attrapa deux gros brocs d’eau, ouvrit largement les volets et, ni une ni deux, balança leur contenu sur les joyeux drilles. Les chants s’arrêtèrent aussi sec — était-ce vraiment le terme adapté à cette situation ? —, relayés aussitôt par de véhémentes protestations très peu compréhensibles. Mouillés et bien imbibés, les derniers fêtards regagnèrent leurs pénates, tandis qu’Aila et Avelin goûtaient le silence enfin retrouvé et un repos bien mérité.

Les six jours de chevauchée suivants s’écoulèrent à toute vitesse, une fois le rythme pris. Tous les matins, elle achetait au village de quoi manger le midi. Ils marquaient une pause vers la quatrième cloche pour déjeuner, puis poursuivaient leur route jusqu’à la tombée de la nuit. Là, ils dénichaient une auberge pour se restaurer et y dormir. Grâce à la compagnie très agréable du jeune prince, ils partagèrent de bons moments à rire et à se raconter des histoires aussi diverses que variées. Tous les soirs, avant de souffler la bougie, Avelin lui parlait de sa vie princière à Avotour et de ce qu’il aimerait. Elle accueillait ses paroles, souvent en silence, livrant rarement de petits bouts de son passé. Il n’était pas dupe de sa discrétion, mais, pour une fois que quelqu’un l’écoutait sans l’interrompre, il en profitait allègrement.

Lorsqu’Avelin et Aila entamèrent leur dernière journée de cheval avant Avotour, le temps, jusqu’alors clément, se changea en une pluie fine et pénétrante qui les obligea à s’arrêter dans une auberge pour le déjeuner. Poussant la porte, ils découvrirent des lieux sombres et déserts dans lesquels résonnait l’écho de plaintes proches. Aila assura sa prise sur son kenda, tandis qu’Avelin dégainait son épée. Ils avancèrent dans la pénombre, s’orientant vers le bruit des sanglots, et entrèrent dans une cuisine, vide également, accentuant cette sensation bizarre que tout semblait prêt à être utilisé. Des miches de pain frais trônaient sur la table aux côtés d’assiettes qui n’attendaient que la soupe, et une grande marmite, d’où s’échappait un fumet goûteux, refroidissait doucement hors du feu. Ils avisèrent une porte entrebâillée dans le fond de la pièce qu’Aila ouvrit délicatement. Avelin derrière elle, leurs regards se posèrent sur une personne, assise sur une chaise, tenant la main d’une femme alitée, et qui pleurait à gros sanglots, tout en lui parlant. Aila tendit son kenda à Avelin et s’approcha seule du couple :
— Brave homme ?
L’homme sursauta et se leva précipitamment :
— Non, non ! Il ne faut pas rester ici, elle peut être contagieuse ! Venez, allez-vous-en vite !
Il les poussa sans ménagement hors de la pièce, ne cessant d’insister sur le danger de s’éterniser là, qu’ils n’auraient jamais dû entrer chez lui, mais quand il ouvrit la porte extérieure, il réalisa qu’il tombait des cordes, et que ce n’était guère un temps à mettre des gens dehors. Ses yeux revinrent vers les jeunes voyageurs dont les vêtements tout trempés gouttaient sur le sol. Hésitant, il se figea, puis soupira :
— Peut-être êtes-vous suffisamment loin d’elle maintenant ?
Rebroussant chemin, il les invita auprès du feu qu’il raviva en jetant un fagot sur les braises encore rougeoyantes. Il alla chercher trois petits verres qu’il remplit à ras bord d’un liquide jaunâtre.
— Ça au moins, ça ne peut pas nous faire de mal, dit-il, en le vidant d’un trait.
Avelin voulut l’imiter et, s’étranglant dès la première gorgée, se mit à tousser sans pouvoir s’arrêter. Plus circonspecte, Aila y trempa juste le bout des lèvres. Par les fées, comme c’était fort ! Elle jeta un regard à Avelin qui, rouge comme une pivoine, commençait à se reprendre, puis à l’aubergiste, aux yeux égarés dans le vide, qui ne s’était rendu compte de rien :
— Brave homme, lui dit-elle doucement, en posant sa main sur son bras, que se passe-t-il ici ?
— C’est ma femme… Elle allait bien hier soir et, ce matin, au lever, elle s’est sentie mal et puis, d’un coup, comme ça, elle est tombée et elle ne s’est plus réveillée…
Il se remit à pleurer.
— Y a déjà eu ça dans le village, quatre fois, et ils sont tous morts. C’est une brave femme, ma Daina, elle cuisine comme une reine. J’veux pas qu’elle disparaisse.
Il mit sa tête entre ses mains, avant de se redresser et de poursuivre :
— Ceux qui travaillent ici sont des gens bien, j’voulais pas qu’ils tombent malades. Alors, j’ai chassé tout le monde : les clients, les habitués, les servantes… Tous, ils sont tous partis et y a plus qu’elle et moi. Qu’est-ce que je vais devenir si elle meurt ?
— Me permettez-vous de la voir ?
Elle lança un coup d’œil à Avelin qui fronça les sourcils. À coup sûr, il n’appréciait pas la demande qu’elle venait de formuler.
— Vous n’y pensez pas, ma dame. Daina ne voudrait sûrement pas que je le fasse si elle pouvait encore parler. Moi, si je vais dans la mort, c’est pas grave, je n’ai plus qu’elle. On n’a pas eu la chance d’enfanter, vous savez. Elle est tout ce que j’ai avec cette auberge…
D’un geste lent du bras, il montra les murs autour d’eux.
— Je me permets d’insister. Ne vous inquiétez pas pour moi, il ne m’arrivera rien.
— Si vous le dites… Alors, vous pouvez y aller.
Sous le regard fort mécontent d’Avelin, elle se leva. Cependant, ce dernier n’intervint pas pour l’empêcher de rejoindre la femme. Consciente de la désapprobation muette du prince, elle ajouta, à son attention :
— Avelin, il faut savoir ce qui se passe. Jusqu’à présent, c’est vous-même qui me l’avez répété, les gens ne mouraient pas et, apparemment, les choses ont changé. Comprendre pourquoi est indispensable. Questionnez notre brave aubergiste pour noter des détails à propos des autres personnes qui sont tombées malades : où elles habitaient, ce qu’elles mangeaient, si elles vivaient seules ou non, si leur famille proche était également souffrante, les endroits où elles se rencontraient : travail, auberge… ? Glanez tout ce que vous pourrez, nous trierons ensuite.

Aila s’assit à côté du lit et commença par observer sa femme : un souffle léger, presque imperceptible, elle ne présentait ni plaie, ni boutons, son teint crayeux aurait pu laisser croire qu’elle avait déjà succombé, si ce n’était ce mouvement ténu de sa poitrine… Délicatement, Aila prit sa main, qui était glacée. Plaçant son index et son majeur sur le poignet, elle perçut des pulsations très irrégulières et beaucoup trop espacées. Elle pinça violemment la peau sans obtenir la moindre réaction. Puis, relevant sa paupière, elle approcha des yeux de la malade la lampe qui brûlait sur la table de nuit. Toujours rien… Où que fût Daina, elle n’en reviendrait pas… Elle regagna la salle principale où son mari leva aussitôt vers elle un regard plein d’espoir :
— Brave homme, je suis désolée… Je ne peux rien faire. Bientôt, elle va s’éteindre doucement, sans souffrance. Vous devriez retourner à son chevet…
Les yeux de l’aubergiste se remplirent à nouveau de larmes et, les épaules voûtées par le chagrin, il rejoignit sa femme. Aila saisit la carafe d’alcool fort qu’elle utilisa pour se nettoyer consciencieusement les mains.
— Tendez vos mains, Avelin !
Surpris, ce dernier obtempéra.
— Pourquoi faites-vous cela, Aila ?
— Hamelin et Bonneau m’ont toujours fait la leçon à ce sujet. Les maladies sont causées par des choses invisibles qui résistent mal à l’alcool et jamais au feu. Alors, entre vous brûler le bras ou mettre un peu d’eau-de-vie, j’ai choisi la solution de facilité. Partons. J’ai repéré deux pèlerines qui, à mon avis, ne manqueront plus à personne.

Depuis qu’ils avaient remis les pieds dehors, la pluie qui s’était renforcée trempa Aila et Avelin jusqu’aux os. Leurs manteaux, gorgés d’eau, ne les protégeaient plus de rien et ils grelottaient de froid et de faim. Après avoir sauté le repas chez l’aubergiste, ils n’avaient pas eu le cœur de déjeuner ailleurs. Au détour du chemin, Avotour apparut. « Un château un peu plus grand au milieu d’une ville un peu plus grande », avait-il dit. « Ben, voyons », pensa-t-elle. Le château, aux hautes murailles noires, dominait la ville : il paraissait gigantesque au milieu des demeures qui s’étendaient à perte de vue. Sitôt arrivés dans les faubourgs les plus excentrés d’Avotour, la pauvreté qui régnait au cœur de la capitale troubla profondément Aila. Les maisons avaient cédé leur place à des masures, et plus souvent à des ruines. Ici, même sous la pluie, des enfants traînaient dans les rues, pieds nus dans la boue, leurs visages hâves et leurs corps maigres à peine recouverts de guenilles. Ils tournaient près de leurs chevaux, quémandant une pièce pour manger. Qu’arrivait-il à Avotour ? La mendicité était inconnue jusqu’à présent… Il y avait bien des escrocs, des voleurs et aussi des assassins, mais la société, avant tout communautaire, s’était organisée autour d’un ensemble de chaîneries (grains, minerais, animaux…) qui promettaient une assistance à tous leurs membres. Par exemple, si un boulanger connaissait des problèmes financiers, celle des grains le prenait en charge et le soutenait jusqu’à ce qu’il fût tiré d’affaire. Aucune famille en difficulté n’était laissée livrée à elle-même, car la communauté veillait sur tous les siens. Un conseil, regroupant les différentes chaîneries, les réunissait régulièrement pour les décisions importantes et nécessaires. En général, celles-ci, loin d’être les meilleures pour une seule d’entre elles, apparaissaient comme les plus acceptables pour toutes. Certes, ce système n’offrait pas la perfection et les rebelles et les paresseux s’en faisaient rapidement exclure. Appartenir à ces communautés se méritait et il était hors de question d’assister des gens qui en rejetaient les règles. En retour, personne n’avait besoin de mendier pour survivre. Il y avait toujours du travail ou de la nourriture pour les hommes de bonne volonté, même un peu marginaux… Visiblement, si le système fonctionnait encore à Antan, il avait atteint ses limites à Avotour et n’y suffisait plus. La misère atteignait un nombre grandissant de personnes, tandis que ceux qui possédaient encore quelques biens s’appauvrissaient petit à petit. Par peur de manquer, ils donnaient moins, alors que, chaque jour, on avait besoin de plus… Le monde basculait progressivement dans la misère. Dans un élan de générosité, Aila jeta une poignée de pièces aux enfants qui se ruèrent dessus et commencèrent à se battre pour les récupérer. Cela alla très vite et tous s’éparpillèrent rapidement pour disparaître dans les ruelles alentour. Tous, sauf un, un petit garçon à l’âge indéfinissable, qui resta immobile sur le pavé, une tache rouge s’agrandissant au niveau de son cœur : il venait de se faire poignarder pour une piécette… Désespérée, elle tourna son regard vers Avelin qui la rassura :
— C’est de ma faute, Aila, j’aurais dû vous prévenir. Nous n’arrivons même plus à soutenir certains quartiers de la ville… quand nous osons encore y mettre les pieds à la nuit tombée. Ne vous en voulez pas. Grâce à ce petit geste, vous avez aidé quelques enfants. De toute façon, celui qui est mort l’aurait été demain ou après-demain du fait de sa plus grande faiblesse par rapport aux autres…
Profondément secouée, elle regarda le prince. Elle ne lui reprochait pas d’avoir dépeint la cruauté de la situation si simplement. Elle savait qu’il avait raison, mais elle s’indignait que l’on pût amener des êtres humains à des conditions de vie telles qu’ils redevinssent sauvages et cruels. Elle découvrait un monde inconnu, un monde où la violence régnait et où l’existence n’avait de prix que lorsque c’était la sienne. Cela l’accabla infiniment. Elle connaissait pourtant Melbour, Antan et Escarfe, mais elle n’y avait pas vu une population dans un tel état de dénuement. La misère était-elle donc si répandue à Avotour ?
— Aila, ne traînons pas sur place.
Elle le suivit, jetant un dernier coup d’œil au petit garçon, figé pour l’éternité.
— Et pour lui, il… il va rester ici ?
— Non, tous les matins, des charretiers font une tournée en ville et ramassent les corps pour les entasser dans la fosse commune.
Elle soupira. C’était donc là que finirait cet enfant… Et si une famille l’attendait, alors qu’il ne reviendrait pas ? Frigorifiée, Aila n’avait même plus la force de pleurer. La souffrance semblait glisser sur elle comme les gouttes de pluie sur son visage. Le ciel s’épanchait pour elle, peut-être cela suffirait-il…


Envie de voir toutes les œuvres de Catherine Boullery, auteure de fantasy ? Retour sur le site de fantasy
'